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mardi 16 avril 2013

APRÈS L’IRAK, L’ÉGYPTE : LA PERSÉCUTION DES CHRÉTIENS



            

LE REGARD DE JACQUES BENILLOUCHE POUR  TRIBUNEJUIVE.INFO

APRÈS L’IRAK, L’ÉGYPTE : LA PERSÉCUTION DES CHRÉTIENS


Manifestation Cathédrale St-Marc

          La violence a éclaté le 5 avril 2013  dans la ville d’Al-Khosous, au nord du Caire dans une région déshéritée du gouvernorat de Qalioubiya, à la suite de la mort de cinq coptes faisant partie de la minorité chrétienne en Égypte. La violence s’est poursuivie le 7 avril lorsque des agresseurs ont attaqué le cortège funèbre à l’occasion des funérailles des victimes coptes à la cathédrale Saint Marc, à Abbassia près du Caire. Des reportages et des témoins accusent les Frères musulmans au pouvoir d’être soit responsables des affrontements soit directement impliqués dans ces violences.




Coptes prostrés


Funérailles


À la suite de ces violences, la situation des coptes d’Égypte, évalués à près de 10% de la population, s’aggrave laissant une population prostrée dans la crainte et la détresse. Le seul endroit où ils espèrent être en sécurité reste les églises qu’ils occupent après avoir déserté leurs maisons. Ils se sentent en danger parce qu’ils ont la certitude qu’on cherche à les exterminer, ou pour le moins à les forcer à quitter le pays où ils constituent la population autochtone convertie au christianisme dans les tous premiers siècles, bien avant l'arrivée de l'islam. Ils représentent la plus forte communauté chrétienne du Moyen-Orient.

            Durant les funérailles des victimes des violences, les jeunes ont mal maitrisé leur colère et ils veulent à présent en découdre : «Le sang des coptes n’est pas à brader, à bas le pouvoir du guide des Frères musulmans ! Ô croix nous nous sacrifierons pour toi avec notre âme et notre sang». Alors ils se sont organisés maladroitement pour protéger les églises, en accusant le gouvernement, et le ministre de l’intérieur en particulier, de faiblesse : «Ils sont tous impliqués dans ces incidents. Les forces de l’ordre n’ont pas bougé le petit doigt alors que les morts tombaient sous leurs yeux».
Incendie église d'Imbaba

            En fait depuis l’arrivée des islamistes au pouvoir, le même scénario contre les coptes se répète avec comme point de mire les lieux de culte : les églises Al-Qeddissine d’Alexandrie, d’Imbaba et d’Atfih. L’État se défausse alors sur une commission d’enquête qui bien sûr n’aboutit à rien avec l’espoir qu’elle sombre à terme dans l’oubli. La désinformation des chaines de télévision qui jouent le jeu du gouvernement ajoute au malaise car les journalistes aux ordres attribuent la cause de ces affrontements devant la Cathédrale à une manifestation de coptes contre la politique adoptée par le nouveau pape. 
      Les représentants coptes s’insurgent contre cette désinformation : «Au lieu de parler des miliciens du ministère de l’Intérieur qui jetaient des pierres depuis les toits des bâtiments voisins, elles ont diffusé des mensonges». Les prêtres des églises d’Égypte tentent de calmer le jeu en appelant les fidèles à la sagesse en consacrant trois jours à la prière et au jeûne «pour que Dieu apporte sa miséricorde et son aide à son peuple».



Rupture communautaire


Des musulmans protègent les églises


            Certains musulmans s’inquiètent du danger d’une confrontation qui n’entre pas dans la culture du pays jusqu’alors tolérant. Les communautés ont toujours vécu dans la paix et le respect de l’autre. C’est pourquoi certains musulmans se sont organisés en milices pour protéger les églises avec la volonté affirmée d’empêcher les exactions contre les coptes qui se sont toujours montrés passifs, sinon soumis, du temps du régime de Moubarak. 
Gaz lacrymogène près d'une église

          Et pourtant, pour la première fois de l’Histoire, les forces de l’ordre ont lancé des bombes lacrymogènes contre les citoyens chrétiens qui n’ont pas riposté mais qui se sont bornés à réciter des prières pour demander l’aide de Dieu sous les portraits des victimes ; un peu comme naguère les juifs des Shtétels dans les pays de l’Est.  La rupture entre les deux communautés est à présent consommée tandis que le pays fait face à un véritable danger d’éclatement.

Seul le prêtre de l’église Qasr Al-Dobara de la place Tahrir croit au miracle en jugeant que ces violences deviendront une : «source de bénédiction et de solida­rité pour tout le peuple égyptien». Il complète son argumentation en précisant que le pouvoir ne tyrannise pas seulement les chrétiens mais surtout les opposants et les révolutionnaires. Les coptes se demandent à présent si leur passivité historique  est payante à trop vouloir «pardonner à ceux qui les ont offensés». Ils songent à présent à agir, au moins pour se défendre, en rappelant que durant la révolution, ils étaient à la place Tahrir pour protéger les musulmans pendant leur prière. 
Eglise copte

Ils veulent régénérer l’esprit révolutionnaire qui a régné durant les heures de gloire contre la dictature pour perdre leur complexe de minorité et pour surmonter l’humiliation qu’ils viennent de subir. L’attaque contre la Cathédrale Saint-Marc, siège de leur patriarche et l’un des hauts lieux de leur communauté, est un fait sans précédent dans leur histoire moderne. Cette agression n’a pas été sanctionnée par les autorités alors que les instigateurs étaient connus. Le cortège funèbre a essuyé des jets de pierre à la sortie de l’église, poussant les coptes à se réfugier à l’intérieur de la Cathédrale. Des reportages ont montré des jeunes cagoulés en t-shirts, à proximité des blindés, attendant des instructions pendant que des balles réelles étaient tirées depuis les toits des immeubles donnant sur la cour de la Cathédrale.

Dans un message de condoléances aux familles des victimes, le pape Tawadros II a promis «que la justice du Ciel sera faite au moment opportun» tandis que des dignitaires musulmans et chrétiens ont défilé côte à côte pour appeler «au calme et à l’unité nationale».  Le président Morsi s’est contenté d’un service minimum pour ne pas désavouer les Frères musulmans ; il s’est borné sans conviction à condamner les violences et à ouvrir une enquête.



Politique délibérée



L’action contre les chrétiens semble relever d’une politique délibérée des islamistes qui veulent favoriser l'émigration massive des chrétiens du berceau où l’Église est née. Pour islamiser le pays, ils cherchent donc un prétexte afin d'attiser les feux d’une guerre civile dans la région. Ils veulent rééditer l’exploit qui a permis à 80.000 juifs d’Égypte de partir ou d’être chassés après les guerres contre Israël en 1948 et 1956, au point où les quartiers où ils vivaient gardent à peine la trace d'une communauté autrefois florissante. Seuls 200 juifs persistent à y vivre. 
Réfugiés juifs d'Egypte en 1957
 
Les chrétiens ne sont pas prêts à se confronter à la radicalisation de l’islam d’autant plus qu’en Orient ils se présentent en ordre désuni sachant qu’au Proche-Orient ils sont divisés à l’intérieur d’une quinzaine d’Églises chrétiennes différentes, unies à Rome ou séparées de Rome par le jeu des querelles dogmatiques. Cette dichotomie les affaiblit face à un islamisme dominateur.

L’Irak a déjà souffert de ce malheur qui a entrainé l’exode des chrétiens vers l’Amérique ou l’Australie car les Églises ne sont pas attaquées par l’islam  mais par l’islamisme conquérant et violent. Au Liban, l’équilibre démographique a subi l’effet d’un faible taux de natalité  et d’une émigration au point qu’il y a aujourd’hui plus de libanais chrétiens à l’extérieur du pays qu’à l’intérieur. Le nombre des chrétiens diminue irrémédiablement au Moyen-Orient mais jusqu’alors les coptes d’Égypte étaient épargnés. À présent ils font l’objet d’attentats et sont mis sous tutelle par un pouvoir politique obligé de donner des gages aux partisans de l’islamisme militant.

Seuls les chrétiens de Jordanie vivent normalement sous la protection du roi Abdallah qui sait que cette minorité ne menace pas le trône alors qu’il avait voué aux gémonies les palestiniens.

Il semble que tous les pays arabes du Proche-Orient, même les soi-disant «modérés», participent à l’éradication de la présence chrétienne sur le sol arabe qui entrainerait une perte pour les œuvres sociales et éducatives. Les collèges chrétiens, fréquentés aussi par des musulmans, sont réputés pour dispenser un enseignement de qualité à des élèves musulmans et restent une garantie pour l’éducation des filles, de plus en plus contraintes de porter le voile.

Certains veulent rendre Israël responsable de la situation précaire des chrétiens du Proche-Orient, victimes selon eux, de l’antagonisme israélo-palestinien qui les place entre le feu israélien et le feu islamiste militant. En fait, les islamistes donnent le sentiment de vouloir se venger sur les chrétiens de leur conflit avec Israël et de l’indifférence à leur égard des pays occidentaux. Si la situation persistait ou s’envenimait, alors la présence chrétienne au Proche-Orient ne serait plus qu’un accident et ne relèverait plus que du domaine de l’Histoire ou de la légende. Les arabes chrétiens, qui vivent en Israël en bonne communauté avec les juifs et qui prospèrent économiquement, seraient alors les seuls témoins d’un passé effacé.  

http://www.tribunejuive.info/israel/apres-lirak-legypte-la-persecution-des-chretiens




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