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mardi 29 décembre 2015

L'année des populismes



L’ANNÉE DES POPULISMES

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            


          L’année politique 2015 pourrait se résumer par la victoire des populismes dans le monde avec en particulier, Donald Trump aux États-Unis, Marine le Pen en France et Viktor Orban en Hongrie. Le populisme, doctrine toujours employée dans un sens péjoratif avec une connotation de démagogie, désigne des discours et des courants politiques qui font appel aux intérêts du «peuple». Il prône son recours en opposant les intérêts du peuple à ceux de l’élite qu'il prend pour cible de ses critiques. Le populisme s’incarne toujours à travers une figure charismatique soutenue par un parti acquis à ce corpus idéologique.


  
          Les populistes ont prospéré parce qu’ils estiment que l’élite égoïste n’était pas capable de gérer et de traiter les questions concernant les gens ordinaires, la majorité du peuple en quelque sorte. À présent ils s’appuient sur la crainte et sur un racisme à peine camouflé en prétendant que les gouvernements ne sont pas capables d’assurer à leurs concitoyens la sécurité au moment où prospèrent les terrorismes en tout genre.



L’américain Donald TRUMP

            Donald Trump est l’exemple type d’un candidat à la Maison-Blanche qui n’a pas été pris au sérieux au départ. Son populisme s’exprime par des propos outranciers qui séduisent l’électorat blanc déboussolé. Les Républicains, dont il fait partie, sont désarmés face à ce phénomène. D’esprit reaganien, le magnat de l’immobilier incruste partout son slogan «Make America Great Again», pour rendre à nouveau l’Amérique grande. Ses déclarations choquent Washington quand il qualifie les politiques de corrompus ou d’incompétents.  Diplômé de la prestigieuse Wharton School of Finance de Philadelphie, le candidat républicain vante sa fortune de plusieurs milliards de dollars pour montrer son indépendance vis-à-vis des lobbies.

            Sa technique oratoire est éprouvée puisqu’il ne se sert pas d’un téléprompteur pour ses discours improvisés. Il reste imprévisible dans ses propos, surprenants ou choquants : «je serai le plus grand président que Dieu ait créé quand il est question de créer des emplois». Véritable tribun, populiste et démagogue, il ne choque personne par ses excentricités consistant à étaler ses richesses. Il insulte l’électorat féminin à travers une présentatrice de Fox News ou minimise les mérites du héros de la guerre du Vietnam, John McCain.  
            Tout est à l’excès lorsqu’il promet d’ériger un mur de 3.200 kilomètres entre le Mexique et les États-Unis et d’en faire payer la construction aux Mexicains, décrits comme «des criminels et des violeurs». Il envisage  d’expulser les 11 millions de clandestins qui vivent en Amérique. Son discours anti-immigration avait choqué au départ mais il reste à la base de sa stratégie qui déstabilise ses concurrents ne trouvant rien de mieux que de lui emboîter le pas. Il vise cet électorat spécifique de Blancs sans formation universitaire, qui ne croient plus en l’État et à ses institutions, qui exècrent les élites et qui voient dans son discours un élan de type poujadiste.
            Trump sait marquer les esprits lorsqu’il s’appuie sur les statistiques précisant qu’en 2044, les Blancs ne seront plus majoritaires et que les États-Unis se préparent à un «génocide culturel». Il ne connaît rien à la politique étrangère puisqu’il confond les Kurdes et la force iranienne Al-Qods, le Hezbollah et le Hamas. Mais les Américains sont portés à croire que ce candidat loufoque est capable de gagner l’élection présidentielle. Sa politique populiste semble ainsi marquer des points.

Le hongrois Viktor ORBAN



            Viktor Orban est le populiste européen contemporain, qui n’est ni de droite et ni de gauche mais l’enfant des deux.  Le Premier ministre hongrois, sans doute l’homme politique le plus charismatique à la tête d’un gouvernement européen, a gagné sa place sur la scène mondiale. En effet il s’inspire des idées de droite fondées sur la xénophobie et la posture anti-élite intellectuelle, et des idées de gauche basées sur l’anti-marché et sur élite anti-économique.
            Son désaveu du libéralisme et son programme vaguement intitulé «démocratie intolérante», le placent à droite. Mais il a mis en œuvre une série de politiques économiques étatistes dans l'énergie, les télécommunications et les banques. Il a institué une taxe sur les transactions financières, des contrôles stricts du prix de l'électricité, des nationalisations partielles des entreprises privées et la création d'un cartel avec le droit exclusif de vendre des produits du tabac. Il a refusé les conditions imposées par le FMI, préférant employer une «politique économique orthodoxe» pour augmenter les revenus de l’Etat et réduire sa dette.  Bien qu’Orban pratique le gauchisme en paroles et en actes,  il a des penchants de droite qui s’expriment par une rhétorique nationaliste belliqueuse. En particulier, Orban n'a jamais admis que le gouvernement hongrois ait forgé une alliance avec l'Allemagne nazie en 1933.

            Le populisme d’Orban est un mélange des relents d'une forme adoucie du fascisme du siècle dernier et d’un programme économique populiste dans le cadre d’une fusion très européenne de gauche et de droite. Il s’appuie sur un social-libéralisme et sur les marchés libres face aux graves menaces sur la sécurité, l'unité et la sainteté de l'État-nation. Il s’agit en fait d’une alliance idéologique gauche-droite. Viktor Orban est un homme défini par des tendances de droite, mais dont les politiques sont incompatibles avec la théorie et la pratique du libre marché. Le Premier ministre hongrois, dirigeant populiste, a été qualifié de «dictateur» par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.  
            Issu de l'opposition au régime communiste hongrois il appelle, à la fin des années 80, à des élections libres dans son pays après avoir créé un parti politique libéral, le Fidesz. Après la chute du communisme, Orban devient député à 27 ans, puis premier ministre à 35 ans en 1998. Pendant les quatre années qui suivent, Viktor Orban libéralise l'économie, diminue les impôts, l'inflation et le taux de chômage. Mais il est battu aux élections en 2002 et passe huit ans dans l'opposition.
Clôture à la frontière

            En 2010, Viktor Orban revient au pouvoir et se distingue par une attitude clairement populiste, flattant la fibre patriotique de son électorat. Sa devise pour la Hongrie ressemble à celle de Vichy : «travail, foyer, famille, santé et ordre». Il change la constitution à plusieurs reprises en affaiblissant le pouvoir de la justice et en limitant les libertés avec l’instauration de la détention provisoire illimitée et le projet de rétablissement de la peine de mort. Cela est en contradiction avec les règles de l’Union européenne à laquelle fait partie la Hongrie depuis 2004.  

            Son populisme se traduit par un discours anti-immigrés très virulent dans un pays confronté à l'arrivée massive des migrants qui augmente le poids de l'extrême-droite. Alors le populiste Orban durcit encore sa politique à l’aide d’une campagne d'affichage agressive : «Si vous venez en Hongrie, vous ne pouvez pas prendre le travail des Hongrois» et par son opposition à un mélange religieux dans son pays. Il confirme sa position en érigeant une clôture de barbelés de 175 kilomètres de long qui sépare maintenant la Hongrie de la Serbie afin d’interdire l’entrée des migrants syriens dans son pays.

La française Marine LE PEN



            La qualification de Marine le Pen comme populiste est récente et ne s’est pas imposée d’emblée. Le FN était certes qualifié de fasciste ou d’extrême droite en raison des liens du parti avec Vichy puis avec l’OAS et leurs discours racistes. Mais à présent les électeurs, étant supposés issus majoritairement des classes populaires, la désignation de parti populiste est justifiée. Le populisme de Le Pen ne consistait pas à̀ valoriser le peuple, mais à se servir de lui pour donner un semblant de légitimité́ sociale à une cause qui lui est étrangère. En fait le FN est une nouvelle droite, certes radicale et pour l'instant peu dangereuse, qui se qualifie de populaire par des discours «sociaux» et anti-élites face aux victimes de la crise sociale et économique, de type poujadiste.

            Le populisme du FN s’est exprimé dans les années 1990 lorsque l’analyse des résultats électoraux a montré que les classes populaires constituées d’ouvriers, d’employés et de chômeurs avaient voté Le Pen. Le parti rallie alors les fractions sociales les plus illégitimes socialement, les sans-diplômes et les faibles économiquement par opposition aux plus riches protégés par leur haute culture de toute idée xénophobe. On se souvient d’ailleurs du match des populismes entre Mélenchon et Le Pen. Mais ce populisme français a réussi à s’imposer  lorsque des «savants», des hommes politiques, et des intellectuels se sont progressivement rallies à cette vision d’un FN «populiste». La conjoncture s'y prête puisque les groupes populaires n’ont plus tellement de défenseurs collectifs; le PCF est à̀ la dérive, le PS s’adresse désormais aux classes supérieures, et le Front de gauche est en déroute. Les politiques sociales n’ont pas réussi à freiner la dégradation sociale des groupes populaires qui sont enclins au pire.


            Marine Le Pen axe sa stratégie pour montrer que le parti frontiste des années 1980 n’était plus un fascisme ou une extrême-droite au passé sulfureux, mais une nouvelle droite radicale et populaire, que le FN avait changé et qu’il était en rupture de filiation. Il tente de convaincre l’opinion qu’il s’est acclimaté à la démocratie. Mais les credo sont les mêmes : les risques viennent du peuple lui-même, il veut exercer la «préférence nationale», il faut stopper l’immigration et il critique le «dénationalisme» qui transforme des nationaux en immigres pour faire passer, avec un succès certain, son idéologie antirépublicaine.

3 commentaires:

Max Semory a dit…

Il reste quand meme a savoircomment on peut se battre pour preserver l'identite judeo-chretienne-greco-latine de l'Europe, combattre le multiculturalisme qui echoue partout en Europe, donner aux forces de police et a la justice des moyens puissants pour lutter contre le terrorisme, re-controler les frontieres en vue de demasquer les futurs terroristes,tout cela sans etre taxe de populiste-poujadiste-fasho? La quadrature du cercle?

Georges KABI a dit…

En fait, toute l'Europe orientale sauf la Tchequie est entre les mains de partis "populistes". Et ces memes populistes ont de nouveaux clients aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne et en Grece.
Cela aura-t-il une importance sur le fonctionnement bureaucratique et technocratique de l'UE? Tres probablement! Le FN et le Fidesz sont resolument pour la sortie et de l'UE et de la zone Euro.
La Hongrie est dans une profonde crise economique et l'extreme-droite fasciste est en progression. Les boucs-emissaires ont deja ete trouves: les Roms et les Juifs, et tout particulierement les investisseurs israeliens. Ainsi Teva possede 4 usines en Hongrie seulement!

Avraham NATAF a dit…

Le populisme fleurit à la suite de la médiocrité des gouvernants, le chômage, l’insécurité sociale ou matérielle. Il y a le pouvoir élu avec le pouvoir permanent des fonctionnaires qui, sous la IV eme république, avait préparé la prospérité de la V.