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dimanche 25 novembre 2012

GAZA : LA VICTOIRE DANS LA DÉFAITE


GAZA : LA VICTOIRE DANS LA DÉFAITE
Par Jacques BENILLOUCHE
copyright© Temps et Contretemps

Gaza en liesse
           
     La guerre de Gaza est à présent terminée, momentanément pensent certains, et comme pour les autres conflits, les arabes crient et fêtent la victoire. C’est une constante qui leur permet de voir les faits par un autre bout de la lorgnette. Tous les dictateurs arabes usent du même procédé pour raviver le nationalisme de leur peuple et pour masquer leur défaite car la défaite est démobilisatrice. Par ailleurs, reconnaitre d’avoir été vaincu impliquerait de quitter le pouvoir à l’instar de ce que font normalement tous les démocrates occidentaux. 
 



Antienne politique 

Cette stratégie a été inaugurée par l’égyptien Gamal Abdel-Nasser en 1956 lorsqu’il avait  transformé en succès l’opération qui avait vu les troupes israéliennes s’installer sur les bords du canal de Suez. Malgré son humiliante défaite militaire mais comptant sur la crédulité de son peuple, il avait affirmé avoir obtenu en fait la victoire. En falsifiant la vérité, il avait trouvé le moyen de consolider sa position politique et morale jusqu’à devenir d’ailleurs la référence du monde arabe.
Nasser s’est ensuite trouvé contraint de remettre sa démission après l’écrasement de son armée à la Guerre de Six-jours en 1967 mais il exploita l’ignorance d’un peuple miséreux pour laisser à ses proches le soin d’organiser la manipulation des masses et susciter des manifestations «spontanées» de rues pour le maintenir à la tête de l’Égypte.
Le roi Hussein de Jordanie à la bataille de Karameh
 
Sur les ordres du ministre de la défense Moshé Dayan, les israéliens attaquèrent par surprise le 20 mars 1968 le camp palestinien de Karameh situé en Jordanie. Les combats durèrent 15 heures pour un lourd bilan dans les deux camps. Du côté israélien les pertes furent  évaluées à 33 tués et 161 blessés avec la perte de 4 chars de combat, 3 half-tracks, 2 voitures blindés ainsi qu'un avion. Le côté palestinien a dénombré 200 tués et 150 capturés. Mais cette bataille au résultat non contesté, qui avait vu pour la première fois des combats acharnés entre israéliens et palestiniens, est devenue légendaire, suffisamment pour être transformée en victoire par le Fatah.
Les arabes ne voulurent retenir de la guerre de Kippour de 1973 que la réussite militaire initiale égyptienne et la destruction de la ligne Bar-Lev. Ils décidèrent d’occulter l’encerclement de la troisième armée égyptienne qui ne dut son salut qu’aux russes qui firent cesser les combats. Mais pour les égyptiens la guerre fut un triomphe. Leur honneur était suffisamment sauf pour les amener à signer la paix avec Israël à Camp David.
Yasser Arafat expliqua que, malgré sa retraite désespérée de Beyrouth en 1982, les palestiniens étaient victorieux car Tsahal avait eu besoin de 88 jours pour réduire la résistance des palestiniens alors qu’en 1967 et 1973 il avait fallu une semaine pour neutraliser les armées arabes. Ainsi tout était relatif.
Plus près de nous, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah avait cherché à convaincre de sa «victoire divine» en 2006 alors que ses troupes avaient été défaites dans des combats, rudes certes, qui ont fait environ 1.200 morts et 3.700 blessés au Liban, avec des  destructions évaluées à 6 milliards de dollars. Et pourtant Nasrallah avait revendiqué une «victoire stratégique et historique pour tout le Liban et la résistance». 

Masquer la défaite 

L’honneur est un sentiment primordial chez les arabes qui recherchent moins la victoire que l’image d’avoir fait bonne figure. Comme le fatalisme est un dogme de l’islam, il leur devient facile d’expliquer les échecs par la prédestiné parce que seul Allah régit tous les instants de la vie des hommes. La défaite est une décision au sommet et, si les peuples doutent, les dictateurs peuvent alors invoquer l’idée suprême qu’ils ont été l’objet d’un complot et qu’il faut  se rassembler autour d’eux.
La notion du leader est fondamentale chez les musulmans  qui le vénèrent comme une icone puissante et indestructible. C’est pourquoi Israël cherchent souvent à éliminer les chefs car il ne leur suffit pas de battre l’ennemi sur le champ de bataille. Les précédents leaders du Hamas ont été ciblés tandis qu’à cette dernière guerre 19 hauts dirigeants militaires islamiques ont été éliminés, entrainant une très importante désorganisation dans les rangs des combattants. D'ailleurs, Nasrallah se terre car il connait l’avenir qui lui sera réservé s’il se mettait à découvert.
Malgré les coups reçus, les arabes font croire qu’ils ont gagné quand en fait ils ont perdu. Le Hamas à son tour veut crier victoire malgré les nombreux morts, les énormes destructions à Gaza et, proportionnellement, le peu de victimes dans le camp des israéliens.  Mais les islamistes ne cherchent pas à honorer leurs morts qui représentent des quantités négligeables dans leur idéologie parce qu’Allah a droit de vie et de mort sur les hommes. Ils préfèrent masquer leur défaite en affichant leur liesse parce que quelques missiles ont atteint Tel-Aviv et Jérusalem, parce que les civils israéliens ont été humiliés selon eux en se réfugiant dans les abris alors que Haniyeh et Nasrallah y vivent en permanence car ils craignent la main d’Israël. Le champ de ruines dessiné par l'aviation israélienne ne compte pas pour argument devant l’espérance d’une levée du blocus qui est prévue dans les discussions tripartites.  

Victoires réelles 

Netanyahou et Haniyeh négocient sans se regarder : Caricature de Yarmi-Pincus dans Yédioth

Mais il est vrai que le Hamas peut se targuer d’avoir signé deux victoires, celle d’avoir négocié face à face avec Israël au titre d’interlocuteur officiel et reconnu mais surtout, d’avoir escamoté l’Autorité palestinienne et son président Mahmoud Abbas qui n’a toujours pas convaincu sur sa stratégie finale.
Le Hamas peut aussi se targuer d’avoir pris un ascendant sur son concurrent, le Djihad islamique dès lors où les États-Unis lui ont fait une place de choix dans les discussions. Israël ne voit aucune opposition à les laisser fêter ces «victoires» qui n'entachent pas sa crédibilité si elles peuvent sauver l’honneur des combattants et les pousser à plus de pragmatisme pour leur faire comprendre, une fois pour toutes, que dans l’état actuel des moyens techniques d’Israël, ils n’ont aucun espoir de le détruire.
En revanche, Mohamed Morsi peut fêter sa véritable victoire puisque l’Égypte islamique a pris une place reconnue dans le concert des nations. Il a été le maitre d’œuvre du cessez-le-feu et le dirigeant qui a épargné une défaite totale à son poulain, le Hamas. Il pourrait, s’il ne ternit pas son régime par un coup de force déplacé, devenir le dirigeant égyptien  qui ferait la paix entre Israël et les palestiniens, qui aurait poussé le Hamas à la rupture avec la Syrie et qui aurait réussi à écarter l’Iran du théâtre des opérations au Proche-Orient.
Kamel Amr, Hillary Clinton et Mohamed Morsi
 
Mais l’évolution critique de la situation en Égypte tend à prouver qu’il y a une malédiction des pharaons dans ce pays. En voulant accaparer le pouvoir législatif et exécutif, Mohamed Morsi se discrédite pour reprendre le leadership du monde arabe, abandonné par Hosni Moubarak. Le turc Tayyip Erdogan lorgne depuis longtemps sur cette place, lui dont l’honneur a été bafoué par l’épisode des flottilles de Gaza. En fait chez les arabes, tout est question d’honneur et pas de victoire ou de défaite. Ils aiment jouer à qui perd gagne.  

 

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