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mercredi 19 février 2014

SINAÏ : CONNIVENCES ENTRE ANSAR BEIT AL-MAQDES, LE HAMAS ET LES FRÈRES



SINAÏ : CONNIVENCES ENTRE ANSAR BEIT AL-MAQDES, LE HAMAS ET LES FRÈRES

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps




L’attentat contre le bus des Coréens, à la frontière de Taba, a mis en évidence l’influence au Sinaï d’Ansar Beit Al-Maqdes (Les partisans de Jérusalem), groupe djihadiste créé en 2011 près de la frontière avec Gaza, pendant le chaos qui a suivi la chute du président Moubarak. Mais la destitution de Mohamed Morsi  lui a donné une plus grande importance dans la péninsule du Sinaï.



Attentats spectaculaires

Al-Sissi et Mohamad Ibrahim

Ce groupe a revendiqué à son actif  de nombreux attentats spectaculaires qui ont forgé son image de marque. Le 5 septembre, il avait raté de peu l’assassinat au Caire du ministre de l’intérieur Mohamad Ibrahim, à l'aide d’une voiture piégée qui avait causé la destruction de quatre voitures du convoi et fait de nombreux blessés parmi les gardes du corps. En revanche, le 17 novembre, ils ont réussi à toucher leur cible,  Mohamad Mabrouk, responsable de la lutte contre les Frères musulmans à la sécurité nationale.
Attentat contre Ibrahim

Les attaques n’ont jamais cessé contre la police, le 24 décembre à Mansoura et le 24 janvier au Caire. Mais la situation s’est aggravée avec la destruction en vol d’un hélicoptère militaire au Sinaï le 25 janvier. Le général Mohammad Saeed, chef du bureau technique du ministre de l'Intérieur, a été ciblé le 28 janvier par des hommes à moto qui lui ont tiré dessus. Il est certain que les terroristes font preuve d’audace et ils prouvent qu’ils doivent leur réussite à une bonne source d’informations.
Général Mohamed Saeed

Le groupe Ansar Beit Al-Maqdes avait pour vocation de s’attaquer aux intérêts d’Israël en particulier. Il a ainsi détruit au nord-Sinaï le gazoduc qui alimentait en gaz Israël et la Jordanie. Plus récemment le 31 janvier, il a été responsable de l’envoi d’une roquette tirée sur la ville d’Eilat qui a été heureusement interceptée par Dôme de fer
Mais après la destitution de Mohamed Morsi, le groupe a réorienté ses attaques contre l’armée et la police égyptiennes car il considérait ses membres comme des «infidèles». Constitué au départ uniquement d’Égyptiens, il a diversifié son recrutement avec l’apport de djihadistes internationaux issus d’Al-Qaeda, en particulier d’anciens combattants de la guerre d’Afghanistan qui ont apporté avec eux leur armement sophistiqué et leur expérience au combat dans d’autres terrains d’opération. Cette nouvelle technicité a permis de détruire en vol un hélicoptère égyptien.


Communauté d’intérêts

Depuis la chute de Mohamed Morsi, l’organisation des djihadistes-salafistes s’est trouvée en communauté de destin et d’intérêts avec les Frères musulmans et ses alliés du Hamas. Ils ont alors, sinon organisé des opérations conjointes, au moins partagé une logistique commune. Ces relations n'étaient pas inédites puisque, historiquement, Ansar Beit Al-Maqdes est né dans la bande de Gaza avec le soutien officiel du Hamas. Aujourd’hui les Frères musulmans, qui veulent faire tomber le régime des généraux dirigé certes par un président intérimaire qui était la plus haute autorité judiciaire du pays, apportent leur soutien financier à tous ces groupes terroristes tandis que le Hamas se charge de la formation des combattants et de la fourniture de matériel militaire par l’intermédiaire des tunnels de contrebande. 
Mahmoud Ezzat

Les partisans de Mohamed Morsi ne désarment pas et ils n’ont pas l’intention d’accepter le changement de gouvernance qui leur a été imposé par l’armée. Alors ils ont recherché celui qui, dans un lieu de repli, pouvait continuer le combat. Ils sont accepté toutes les alliances, même les plus improbables, pour retrouver le pouvoir qu’ils ont laissé échapper. Il ont trouvé leur exilé en la personne de Mahmoud Ezzat, 62 ans, professeur de médecine à l'Université de Zaqaziq et secrétaire général des Frères musulmans, habitué des geôles égyptiennes depuis 1965. Ses états de service le qualifiaient pour mener le combat de la Confrérie contre le nouveau pouvoir égyptien.
Devant les poursuites engagées par le nouveau pouvoir, six responsables des Frères musulmans, avaient décidé de quitter l'Égypte pour créer une tête de pont, au-delà des frontières, afin d’organiser à la fois le combat politique mais aussi une révolte militaire au Sinaï contre les nouveaux dirigeants. Quelques hauts dirigeants des Frères musulmans ont donc réussi à mettre en place un poste de commandement au Beach Hôtel à Gaza pour s’organiser et préparer la reconquête militaire. Ils ont obtenu le concours de la branche armée du Hamas, les brigades Azzedine al-Qassam, et même de leurs concurrents, les salafistes affiliés à Al-Qaeda au Sinaï. Il s'agit pour eux de mettre à feu et à sang le nord Sinaï, sans négliger d’impliquer au passage Israël dans le conflit.

Bras armé des Frères

Ces Frères dirigés par le guide suprême, Mahmoud Ezzat, ont alors utilisé Ansar Beit Al-Maqdes comme leur aile armée pour déstabiliser le régime et pour assurer le retour au pouvoir des partisans de Morsi. L’armée égyptienne a assimilé ce danger et elle s’est donc acharnée à compliquer les liens entre Gaza et le Sinaï en détruisant des centaines de tunnels pour tarir le transfert de matériel militaire et en installant un no man's land à sa frontière.
Poste égyptien

La connivence entre le Hamas et Ansar Beit Al-Maqdes n’est pas nouvelle. On en veut pour preuve la revendication qui a suivi l’assassinat de l’officier de la sécurité nationale Mohamed Mabrouk. Dans un communiqué, le groupe a précisé que la brigade d’el-Moetassem Bellah avait assassiné le chef du département de l’extrémisme religieux en réponse à l’arrestation des femmes appartenant à la Confrérie et leur interrogatoire dans des commissariats de police et les sièges de la sécurité de l’État. 
Un autre élément confirme ce rapprochement. Ansar Beit Al-Maqdes a refusé de fusionner avec EIIL (État islamique en Iraq et au Levant), un groupe djihadiste affilié à Al-Qaeda, parce qu’il voulait concentrer son action sur l’Égypte et sur Israël, en s’opposant ainsi à la stratégie internationaliste d’Al-Qaeda.

EIIL

L’Égypte est entrée dans le cercle vicieux de la violence. Plus elle réprime les Frères musulmans et plus elle pousse les éléments les plus radicaux à se tourner vers les organisations terroristes. Par ailleurs, la fermeture des tunnels a entraîné un manque à gagner pour de nombreux Égyptiens qui en vivaient et qui se sont trouvés contraints de grossir les rangs des djihadistes du Sinaï qui sont les seuls à leur assurer le minimum vital.

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