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jeudi 20 avril 2017

Les Druzes du Golan victimes de leur idéologie


LES DRUZES DU GOLAN VICTIMES DE LEUR IDÉOLOGIE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps


         
          
          Les Druzes du Golan ont défilé le 17 avril 2017 pour commémorer la journée de l’indépendance syrienne en portant des portraits de Bachar El-Assad et en scandant des slogans anti-israéliens. Malgré l’annexion du plateau du Golan qu’ils refusent de reconnaître, ces Druzes, contrairement à ceux d'Israël, ont voulu conserver en majorité la nationalité syrienne malgré l’offre d’Israël d'acquérir la citoyenneté israélienne : «Nous conservons notre identité syrienne et nous voulons suivre la voie de la résistance nationale».  Il ne faut y voir aucun entêtement ni aucune animosité mais cette ambiguïté est liée à leur doctrine nationale.






          
          Les Druzes, professant une religion musulmane hétérodoxe, sont installés au sud du Liban (350.000), au sud de la Syrie (700.000) dans le djebel Druze et au nord d’Israël en Galilée et au Golan (130.000). Leur religion, fondée sur l’initiation philosophique, est considérée comme une branche ismaélienne du courant musulman du chiisme. Mais cette secte, ayant abandonné certains préceptes islamiques, s’est transformée en religion à part en se distinguant des autres musulmans avec lesquels les relations sont souvent houleuses. Leur doctrine est dérivée de l’ismaélisme et constitue une synthèse du mysticisme musulman et de la pensée coranique. Courant monothéiste par excellence, il insiste sur l’unité absolue de Dieu.
Religion secrète

La religion, qui ne comporte ni liturgie et ni lieux de culte, reste très secrète et n’est révélée aux fidèles qu’après divers degrés d’initiation. Cette discrétion était imposée en raison des persécutions qu’ont subies les membres de cette communauté de la part des autres musulmans et même des chrétiens. Des locaux sans signes distinctifs extérieurs abritent les lieux de prière, sans minaret, sans fioritures ni décorations murales pour ne pas attirer l’attention. Il n’existe aucune hiérarchie religieuse parmi les imams. 
Les Druzes, rejetant la charia et les obligations rituelles qui en découlent comme le jeun du ramadan, sont devenus suspects à la fois aux yeux des chiites que des sunnites. Bien que ces petites communautés soient disséminées autour de plusieurs frontières, elles représentent une société écoutée par les gouvernements dont ils dépendent. Leur propension à la révolte et leur esprit d’indépendance leur permettent de constituer un groupe de pression efficace.
Les Druzes refusent la conversion et ne participent donc à aucune action de  prosélytisme. Les dogmes de leur religion leur imposent d'être fidèles, loyaux et reconnaissants envers le pays qui les héberge. À l'opposé des Kurdes, ils n’ont aucune revendication territoriale et aucune aspiration à créer un État druze et, en tant que minorité, ils tiennent à être forts pour donner beaucoup à leur pays. C'est ce qui explique le lien qu’ils vouent à leur pays, que ce soit Israël ou la Syrie, dont ils défendent les frontières avec acharnement. 
Les Druzes avaient ainsi éjecté les Français de Syrie en 1925 à la suite d'une révolution pour défendre l'intégrité de leur territoire. Très attachés à la notion de territoire, les Druzes s'engagent militairement pour défendre le pays qui les accueille. Ainsi, les Druzes du Golan, annexé par les Israéliens, sont restés attachés à leur appartenance à la Syrie, sans aucune motivation politique et ont rejeté la nationalité israélienne qui leur avait été octroyée.

Nationalisme exacerbé
Religieux druze

Seuls les liens familiaux justifient les relations entre Druzes de différents pays mais ils n’ont, par idéologie aucune volonté de s’unir pour constituer leur propre État. Ils sont donc très favorables à l’assimilation dans le pays qui les héberge mais continuent, pour des raisons historiques liées aux persécutions, à vivre isolés dans leurs propres villages et à se marier entre eux. Ils participent cependant à toutes les instances politiques et militaires de leur pays, avec en particulier une grande propension à s’engager dans l’armée pour apprendre à se défendre et à protéger leur communauté. Les relations sont difficiles entre Druzes et Arabes car les persécutions ont laissé des  plaies non cicatrisées.

Ce nationalisme exacerbé en faveur de leur pays explique l’antipathie affichée des Druzes du Liban ou de Syrie à l’égard d’Israël. En fait, ils n'agissent pas au nom d'une appartenance à une même communauté, comme les Juifs par exemple, mais en tant que nationalistes chargés de soutenir le pays où ils vivent.
Le Druze Walid Joumblatt

Mais la situation actuelle au Moyen-Orient pousse les Druzes à envisager une solidarité inter régions. Le député druze libanais Walid Joumblatt estime que «toute secousse au Liban ou en Syrie exposerait les Druzes de Syrie au danger». Il faisait référence à la tuerie, par des membres du Front al-Nosra, d'une vingtaine de villageois druzes dans le village de Qalb Lozé, dans la province d'Idleb en Syrie. Mais il refuse la réalité en précisant qu’il s’agissait certainement d’un «cas isolé en dépit de son caractère tragique et douloureux».

En Syrie, les adeptes du terrorisme ont transformé les Druzes en véritables dhimmis dans Jabal al-Sumac, au nord de la Syrie et non loin d’Idlib. Leur situation est aussi tragique que celle des Chrétiens de Raqqa puisque leurs villages sont aussi tombés entre les mains de Daesh. Les Druzes sont ainsi obligés de payer la jizya, un impôt de capitation. Alors qu’ils n’obéissent pas aux lois de la charia puisque leur doctrine insiste sur l’unité absolue de Dieu, ils doivent suivre des cours obligatoires d’instruction religieuse pour tendre vers un pseudo sunnisme. Ils doivent abandonner leurs habits traditionnels pour la tenue islamiste et risquent la peine de mort s’ils ne s’inclinent pas respectueusement devant les émirs. Erdogan profite de la situation pour les faire fuir de cette région proche de la Turquie afin de les remplacer par des Turkmènes plus dociles. Les Druzes libanais ont compris qu’ils devaient les aider mais refusent d’intervenir directement ; ils se contentent d’alerter en vain les diverses organisations internationales.

États nations


Djebel druze

Mais une certaine évolution se fait jour chez les Druzes exilés, réunis à l’Université Georgetown de Washington, qui envisagent à présent avec intérêt la création d’un État druze. Ce projet reste le vieux rêve d’Israël. Ce nouvel État, qui s’étendrait de Suwayda jusqu’aux limites du Golan et au Liban pour intégrer Shebaa, Hasbaya, Jezzine, le Chouf, et Alay, avec un accès à la mer, permettrait de consolider la sécurité de la frontière nord d’Israël et celle du Golan.
Israël surveille de près la scène syrienne et se refuse à intervenir dans la guerre civile comme le lui demandent avec insistance les Druzes qui réclament un appui logistique armé, une transmission des renseignements, le brouillage des communications, et le survol du territoire par avions et drones. Sous la pression des Druzes d’Israël, Israël pourrait intervenir si d’autres  massacres étaient perpétrés dans les villages proches de Suwayda.
Le président Rivlin reçoit la communauté druze

A l’occasion d’une réunion avec les dirigeants druzes d’Israël, le président Réouven Rivlin a exprimé sa préoccupation aux États-Unis sur le sort de la minorité druze en Syrie. Les Druzes d'Israël ont appelé à l'aide au nom de leurs frères en Syrie. Attachés par idéologie à la protection du gouvernement légal de Syrie, ils ont toujours montré leur loyauté envers Bachar al-Assad. Ils risquent d’être victimes de leur attitude intransigeante quand il s’agit de défendre leur propre terre contre des envahisseurs étrangers.
Colonel druze Safwan

Les dirigeants druzes israéliens, dont plusieurs sont de hauts officiers de Tsahal,  sont prêts à défendre leurs proches en Syrie et ils affirment «qu’ils n’hésiteront pas à traverser la frontière pour protéger leurs parents si nécessaire». Ils avaient demandé à l’ambassadeur américain Dan Shapiro une aide militaire pour empêcher Daesh de menacer leur communauté et leurs centres religieux en Syrie.
Les Druzes israéliens manifestent pour les Druzes syriens

Des milliers de personnes ont défilé dans les localités druzes israéliennes appelant les autorités du pays et la communauté internationale à apporter leur aide aux Druzes de Syrie avec le slogan «Stoppez les massacres». Sensible aux pressions de sa minorité, le gouvernement israélien envisage à présent la création d'un corridor humanitaire sur le versant syrien du Golan, pour venir en aide aux Druzes. Cette zone tampon serait administrée par des ONG humanitaires et par l’ONU le cas échéant : «Nous n'avons aucune intention d'accueillir les Druzes en Israël, mais ayant vécu un génocide, nous n'avons pas l'intention d'ignorer la possibilité d'un massacre de la minorité druze». 


3 commentaires:

Georges KABI a dit…

Si historiquement, les Druzes sont un courant de l'ismaelisme, ils ne sont pas consideres comme faisant partie de la "Oumma", et, en consequence, sont interdits au pelerinage a La Mecque.
La politique druze a toujours ete de soutenir la caste la plus forte, ceci est du au fait que les Druzes sont disperses dans 3 pays heterogenes du point de vue de l'ethnie et de la religion.
Au Liban, les Druzes suivent a la lettre le droit canonique et fetent toutes les fetes chretiennes bien que politiquement ils se sont rallies assez recemment au Hezbolla. En Syrie et en Israel, ils suivent strictement la Sharia, en omettant toutefois le pelerinage (qui leur est interdit de toute facon), et le mariage monogame. En Syrie, ils sont allies aux Alaouites, aux Chiites et aux Chretiens. En Israel, ils sont allies aux Juifs.
Cette derniere alliance remonte a 1948 a la bataille de Mishmar HaEmek ou les Druzes, combattants dans l'Armee de Liberation Arabe de Fawzi ek Kaoukji, firent volte-face et serallierent au Palmakh, permettant ainsi le sauvetage de Mishmar HaEmek.
Les Druzes israeliens sont le groupe religieux ayant le plus grand pourcentage de mobilisation, tres loin devant les Juifs, toutefois, ces dernieres annees, un nouveau courant est ne dans la communaute druze qui s'aligne sur le nationalisme palestinien.

Maher BEN GHACHEM a dit…

Encore un article instructif. Je suis moins bête au sujet des Druzes maintenant. J'ai bien aimé que vous parlez "d'annexion" du Plateau du Golan.... ceci étant,grâce à ça ils ont été protégés de la guerre civile en Syrie

RAD a dit…

Monsieur,

J'ai lu avec intérêt votre dernier article sur les druzes du Golan. Il est vrai que que les Druzes n'ont "aucune aspiration à créer un État druze". Dommage que vous n'ayez pas préciser la raison. Les druzes, dont leur doctrine est surtout dérivé de préceptes néoplatoniciens, séparent le spirituel du temporel; donc logiquement refuse l'idée d'un Etat druze. La légende raconte que Napoléon Bonaparte leur avait proposé de créer un tel Etat, mais il n'a pas reçu de réponse favorable.

Quand vous dites "ils n'agissent pas au nom d'une appartenance à une même communauté, comme les Juifs", c'est vrai dans les faits. Mais comme toute secte ésotérique qui se respecte, les druzes s'entraident entre eux, même s'ils ont des différends politiques ou idéologiques. Ainsi les druzes de Tsahal ont formé certaines milices druzes au Liban pour lutter contre les phalangistes qui.. étaient pourtant les grands alliés d'Israel.
N'oubliez pas que les druzes croient en la réincarnation (encore un principe hérité de nos amis grecs entre eux, car n'oubliez pas les druzes sont un peuple vieux de 5000 ans).

Les druzes à Idlib ont accepté de se convertir pour tenter de conserver leurs terres. c'est un cas assez unique géographiquement car les druzes y sont fachement très minoritaires et ils ne sont pas liés géographiquement avec d'autres groupements druzes.
par ailleurs, cette région Idlib-Druze était rempli de druzes il y a quelque siècles. ce n'est pas par hasard si une grande famille druze s'appelle Halabi (trad: habitant de Alep).

Dommage que votre exposé ne fait pas mention des blessés des groupes terroristes syriens qui ont été soignés dans les hôpitaux israéliens, et dont certains ont même professé des menaces à l'égard des druzes lors d'un interview avec un chaine israélienne!!

Pour conclure, je tiens à rappeler que les Druzes sont opposés à toute idée d'Etat druze car cela irait à l'encontre de leurs préceptes religieux. Cependant, ils ne refuseraient pas l'instauration d'une zone sécurisé en Sud Syrie.

Encore faut-il que la Jordanie, allié d'Israel, accepte cela; ce qui d'après mes sources, est loin d'être le cas.

En tout cas, merci pour votre article rempli de considération à l'égard des druzes

RAD