LES CINQ GRANDS FINALISTES DE LA PRÉSIDENTIELLE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Cinq
candidats émergent de la liste finale à l’élection présidentielle. Ils disposent de quelques semaines de débats et de meetings pour modifier la donne, pour influer
sur les sondages, pour réduire le taux d’abstention, a priori très élevé en
l’état actuel, et pour stabiliser un électorat volatile. Rien n’est joué. Les
sondages se sont tellement trompés par le passé que seul le vote dans l’isoloir
compte à présent. Le choix des électeurs est large puisque tout le spectre
politique est représenté, depuis l’extrême-droite jusqu’à l’extrême-gauche.
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Onze candidats |
On
trouve ainsi Marine le Pen, nationaliste populiste, François Fillon libéral
conservateur, Emmanuel Macron social libéral évoluant entre le centre droit et
le centre gauche, Benoît Hamon socialiste pur et dur converti à l’écologie et
enfin Jean-Luc Mélenchon gauchiste souverainiste. Mais le débat d’idées n’a pas
eu lieu car la campagne s’est engluée dans les questions judiciaires touchant
Fillon et le Pen, et les attaques en dessous de la ceinture. Et pourtant les
sujets ne manquaient pas qui pouvaient expliquer les clivages politiques des
candidats. Mais une nouveauté est apparue avec cette campagne ; il ne
s’agissait plus d’une confrontation entre droite et gauche puisque ces notions
ont été dissoutes dans une guerre de personnes ; le champ politique s’est
élargi et les cloisons ont été déplacées.
On
attendait les débats sur les grands enjeux de la mondialisation, sur l’Europe, sur
la lutte contre le terrorisme islamique, sur la transition écologique et sur la
révolution numérique. Aucune de ces thématiques n’a encore été sérieusement abordée pour
marquer les différences entre les candidats. Il n’est pas certain que le
système des primaires résiste au contrecoup de la radicalisation de la droite et
de la gauche, laissant un espace géant au centre que Macron s’est empressé de
combler. Les primaires ont éliminé les candidats charismatiques au profit de
nouveaux venus qui ont tout à reconstruire. Cela pourrait être effectivement
une chance pour la France, encore faudrait-il que les résultats suivent car il
y a péril en la demeure.
François Asselineau, Jean Lassale et Nicolas Dupont-Aignan |
À
moins d’un mois du scrutin, l’élection est encore ouverte et ce serait une
erreur de se fonder sur les sondages même s’ils tracent une image précise de
l’électorat à un instant précis. D’une part il reste beaucoup d’indécis mais
surtout, l’électorat est très volatil jusqu’à l’entrée dans la salle du
scrutin. Devant le désarroi d’électeurs qui ne retrouvent plus leurs marques
parce qu’ils sont orphelins de leur candidat préféré, le taux d’abstention
pourrait dépasser 30% ce qui serait un record pour une élection présidentielle.
Seuls les partis qui ont une base électorale solide en profiteront, le FN en
particulier. Cela explique pourquoi Marine le Pen est placée en tête des
sondages. Elle risque cependant de pâtir de la présence de trois candidats qui défendent
ses mêmes idées et qui risquent de la priver d’une partie de ses voix. François
Asselineau, Jean Lassale et Nicolas Dupont-Aignan labourent eux-aussi sur les
terres d’extrême-droite.
La
frontière des idées est perméable entre les cinq véritables finalistes et c’est
ce qui explique le doute au sein de l’électorat car les lignes de clivage sont
floues. Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon draguent le même public populaire
et ont construit pour lui un programme économique similaire. François Fillon a
compris qu’il ne doit sa survie politique qu’aux électeurs du FN qui
voudraient bien le rejoindre.
Le
débat télévisé permettra aux candidats de s’exprimer sur leurs grandes divergences quant au maintien ou non de la France au sein de l’Europe, au degré de
libéralisme ou de socialisme appliqué à l’économie, aux rapports avec
l’islam, et aux grandes options de politique étrangère. Choisir un candidat
sur son âge, sur son physique et sur ses capacités de conviction serait une
erreur.
En
ce qui nous concerne en Israël, les choix de politique étrangère sont
fondamentaux pour l’avenir des relations avec la France. Il n’y a pas de
consensus véritable entre les cinq candidats majeurs. Les divergences existent
sur les relations avec la Syrie et avec la Russie, sur les solutions au conflit
israélo palestinien et au conflit ukrainien, et sur l’incertitude des positions
américaines depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Marine
le Pen considère «Bachar el-Assad comme une solution plus rassurante»
que Daesh en Syrie. Elle reconnaît l'annexion de la Crimée par la Russie et
exige la levée des sanctions européennes contre la Russie. Elle suggère une
alliance entre Paris, Berlin et Moscou sans préciser si elle se fera contre les
États-Unis. Elle veut donner un coup de fouet à la francophonie. Elle s’est déclarée
«contre la double nationalité extra-européenne» ce qui a créé un choc
chez les franco-israéliens. Concernant le conflit israélo-palestinien, le FN
est officiellement favorable à la création d'un État palestinien.
François
Fillon a proposé de «fixer et défendre un ligne claire, stable et sans
fausse naïveté» en matière de politique étrangère. Il prône la levée des
sanctions économiques imposées à la Russie. Il accepte d’impliquer Bachar
Al-Assad dans les négociations sur la fin du conflit en Syrie. Il envisage «une mobilisation mondiale totale contre l’État islamique» grâce à une
coopération avec la Russie et la constitution d’une coalition avec la Syrie
contre Daesh. Il refuse «la guerre froide stupide et dangereuse entre
l'Europe et la Russie» mais envisage la création «d'une Alliance
européenne de Défense». En 2012,
François Fillon avait provoqué la colère de la communauté juive française après
avoir remis en cause en France l’abattage rituel : «Les religions devraient
réfléchir au maintien de traditions archaïques qui n’ont plus grand-chose à
voir avec l’état aujourd’hui de la science, l’état de la technologie, les
problèmes de santé». Il est pour la création d’un État palestinien :
«Je dis aux Israéliens que s’ils n’acceptent pas un État palestinien,
ils prennent des risques à long terme mais ils en font aussi prendre au monde
entier».
Emmanuel
Macron est lui aussi pour la levée des sanctions contre la Russie dès lors
que l’accord de Minsk aura été respecté. Il souhaite un «dialogue
indépendant, constant et souverain avec la Russie» dans un cadre
européen. Il n’impose pas la destitution
de Bachar al-Assad comme préalable aux négociations sur la Syrie et envisage de
prendre la tête d’un groupe créé avec les parties prenantes pour lancer une
initiative de paix française débouchant sur une transition politique. Il prône
un «dialogue constant et exigeant» avec la Russie, la Turquie et les
pays du Moyen-Orient et du Golfe. Il s’oppose à l’entrée de la Turquie dans
l’Union européenne tant que les conditions ne sont pas remplies. Il a refusé de
s’exprimer sur l’idée d’une reconnaissance de l’État de Palestine «avant
même la conclusion d’un accord de paix» et il refuse «une
reconnaissance unilatérale par la France d’un État palestinien».
Benoît
Hamon estime que la solution politique en Syrie passe par des négociations
avec Bachar Al-Assad. Il exigera la reconnaissance d’un État palestinien. Il
envisage la création d’un «visa humanitaire pour un accueil et une
protection temporaire des réfugiés». Il imposera une aide publique au
développement d’un montant de 0,7% du revenu national brut et recherchera la «mise en place de partenariats équitables avec les pays d'Afrique».
Jean-Luc
Mélenchon est plus radical en ce qui concerne la Syrie puisqu’il veut «réviser les alliances hypocrites avec les pétromonarchies du Golfe, Arabie
saoudite et Qatar, et le régime turc actuel». Il propose la mise en place
d'une coalition universelle sous mandat de l'Onu pour éradiquer Daesh, la
construction d'une solution politique reposant sur un cessez-le-feu excluant
les groupes islamistes, le soutien au processus de Genève et l'organisation
d'élections libres et pluralistes sous surveillance de l'Onu. Il exigera la
reconnaissance d’un État palestinien et appuiera «la solution à deux États
coexistant pacifiquement par l'application pleine et entière des résolutions de
l'Onu».
6 commentaires:
Si je comprends bien, un Francais juif soucieux de l'avenir des relations franco-israeliennes devrait voter Macron. Mais est-ce que le fait que la France veuille reconnaitre un Etat palestinien devrait influer sur ces relations franco-israeliennes? Cela laisse la porte ouverte a Hamon et a Fillon! Restent les deux extremistes aussi populistes l'un que l'autre, Melencon et Le Pen. Le premier n'est qu'un cas de figure. La deuxieme est beaucoup plus dangereuse pour la France et pour ses citoyens.
@Georges KABI
Libre à vous d'interpréter ainsi mon article qui ne prend pas position pourtant. Je pense que les électeurs sont grands pour prendre seuls leur décision.
À propos des petites phrases pernicieuses attribuées à Fillon, j'ai noté dans l'article un petit oubli pour Macron qui n'est pas en reste parlant des écoles confessionnelles: " Les écoles juives enseignent la Torah plus que les savoirs fondamentaux", alors que ces établissements suivent bien entendu le programme officiel de l' Éducation Nationale.....Le candidat "ni de droite ni de gauche " devrait approfondir un peu plus ses connaissances sur ce qui se dit et se fait au sein de la communauté juive française avant d'émettre une constatation erronée.
Lorsqu'on argumente à charge sur un candidat et qu'on oublie volontairement l'autre, je veux parler du chouchou des media....cela s'appelle prendre position.
Bien cordialement
Pas de quoi perdre ses nerfs. Ce soir, avant qu'on ait épuisé les questions d'emplois fictifs des uns et des autres, les questions de costumes, de pulls en cashmere, de financements occultes des campagnes, des fortunes cachées au fisc, des sous-évaluation de patrimoines, et je suis sûre que j'en oublie, il ne restera pas une minute pour, ne serait-ce qu'évoquer, les problèmes israélo-palestiniens. Et c'est tant mieux !
Excellent papier - assez déprimant au fond. Eternellement optimiste je vois Fillon au second tour.
J'avoue pourtant qu'accepter des cigares, voire du champagne, comme Netanyahou, est plus élégant que se faire payer ses pantalons.
Jean Lassalle ne se situe pas à l'extrême droite.
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