LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

dimanche 30 avril 2017

Décomposition des partis traditionnels en France



DÉCOMPOSITION DES PARTIS TRADITIONNELS EN FRANCE

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

            

          La défaite de François Fillon a sonné comme un coup de tonnerre au sein des Républicains et des Socialistes. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont agité le cocotier pour envoyer à la retraite de nombreuses figures politiques. Cela ne fait pas de mal pour des dirigeants politiques habitués à des rentes de situation. C’est un sauve-qui-peut général qui est assimilé aux rats qui quittent le navire. La perspective d’une défaite aux législatives hante les élus de gauche comme de droite. C’est pourquoi certains pensent qu’un retrait volontaire de la compétition est préférable à un échec aux législatives compte tenu des résultats à la présidentielle. Mais la rancune est tenace auprès de ceux qui marquent ouvertement leur mauvaise humeur pour avoir perdu une élection imperdable.




            À gauche, les élus sont dans l’attente du deuxième tour puisque certains d’entre eux pourraient se retrouver enrôlés par Macron pour consolider sa plate-forme politique. Peu d’initiatives ont donc été prises pour l'instant. Il faut résorber le coup de massue. Le parti socialiste va pâtir de l’échec de Benoît Hamon qui libère ainsi la voie à de nombreux départs du parti vers de nouveaux horizons. Contrairement aux Républicains qui espèrent sauver les meubles aux législatives, la liste des départs du PS ne sera définitivement connue que lorsque les investitures seront officialisées par Macron. Alors certains resteront au parti parce qu’ils n’ont pas de solution alternative immédiate, d'autres rejoindront Macron et d'autres enfin prendront leur retraite méritée de la vie politique. Le PS risque de connaître une mort lente avec ses luttes intestines et les difficultés financières qui ne tarderont pas à le pénaliser par manque d’élus.

            Le PS doit faire face au succès de la France insoumise qui a pris une place centrale dans l’échiquier politique. Jean-Luc Mélenchon se trouve désormais à la tête d’un mouvement axé sur un populisme progressiste qui s’opposera au national-populisme de Marine Le Pen. Mais il n’est pas certain que sa victoire à la présidentielle soit suivie d’une victoire aux législatives car le scrutin est à deux tours et Mélenchon ne dispose pas de réserves de voix. Le parti communiste, qui sait qu’il aura du mal à reconstituer un groupe à l’Assemblée sans l’aide des socialistes, ne s’est pas trompé puisqu’il fait appel au rassemblement à gauche et au vote Macron. La vengeance socialiste risque d’être froide pour le camp de Mélenchon. Benoît Hamon dispose de relais solides dans les départements et les régions pour sauver les meubles.
            À droite, la recomposition est en cours. Des députés exploitent l’alibi du non-cumul des mandats pour quitter définitivement l’Assemblée nationale. Jean-François Copé, 53 ans, député et maire LR de Meaux, a renoncé à se présenter aux législatives et veut se consacrer à sa ville. Ennemi juré de François Fillon depuis leur duel pour la présidence de l'UMP en 2012, il a jugé très sévèrement la campagne de son ex-rival qui, selon lui, a conduit la droite à une humiliation au premier tour de la présidentielle.
Bernard Acoyer

            L’ancien président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, 72 ans, a annoncé qu’il ne briguera pas un nouveau mandat de député pour se consacrer à ses fonctions de maire adjoint de la nouvelle commune d’Annecy. Il continuera à présider la fédération départementale des LR et compte garder son poste de secrétaire général des Républicains, poste auquel il a accédé après la victoire de François Fillon à la primaire sauf s’il en est écarté par la nouvelle gouvernance.
Pierre Lellouche

            L’ancien secrétaire d’État Pierre Lellouche, 66 ans, se retire de la vie politique et rend sa carte des Républicains car il juge la campagne présidentielle de son camp «épouvantable». Il ne se représentera pas dans la 1ère circonscription de Paris parce qu’il a vécu la campagne présidentielle comme «la preuve définitive de la décomposition de nos partis politiques traditionnels». Il est sévère contre Fillon à qui il avait conseillé de se retirer pour laisser la place à Alain Juppé. Il s’est livré à une critique virulente de la campagne à droite qui a abouti à la défaite de François Fillon. Ce dernier, «entouré d’une camarilla de fidèles et d’ambitieux, conforté par l’hystérie d’une secte a tenu à aller au bout du suicide personnel et collectif».
            Plus de 110 cadres et membres des «Jeunes avec Juppé» ont déjà annoncé leur ralliement à En marche. L'hémorragie se poursuit à droite. Ceux qui avaient soutenu le maire de Bordeaux, Alain Juppé, estiment qu’on leur a volé la victoire et que le parti n’a pas eu le courage de remplacer à temps François Fillon fragilisé par les révélations sur son train de vie et sur les emplois présumés fictifs dont aurait profité sa famille : «Nous, anciens responsables, animateurs et membres des Jeunes avec Juppé, avons décidé de nous engager aux côtés d'Emmanuel Macron».
Soutiens de Juppé

            Après le ralliement de nombreux soutiens de Sens Commun à Marine Le Pen, des dirigeants de droite lancent l’alerte. Des élus LR, partisans d'Alain Juppé et de Bruno Le Maire notamment, ont mis en garde leur «famille contre le rétrécissement de la droite sur une ligne politique exclusivement identitaire et conservatrice qui serait sans issue». Une trentaine d'élus du clan Juppé, dont Édouard Philippe, Benoist Apparu, Christophe Béchu, Arnaud Danjean, Fabienne Keller, des proches de Bruno Le Maire comme Sébastien Lecornu et Thierry Solère, ou encore le sarkozyste Gérald Darmanin, appellent, dans un communiqué, à repenser «la façon dont nous portons les valeurs de liberté, de responsabilité, d'autorité de l'État et d'attachement à l'Europe». Ils sont prêts à créer une structure autonome pour participer à la gouvernance du pays. D’autres, à l’instar de l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, affichent ouvertement leur volonté d’une collaboration avec le nouveau président. Alain Juppé de son côté, a jugé nécessaire de «revoir la ligne politique» des Républicains partiellement responsable selon lui de l'échec de François Fillon au premier tour de l'élection présidentielle : «Préparer l'avenir, c'est à la fois éviter le Front national et deuxièmement reconstruire une droite dans laquelle ce que j'incarne, et beaucoup d'autres avec moi, trouveront pleinement leur place». Il ne veut qu’en aucun cas la ligne de Sens Commun s'impose.
Jeunes avec Macron

            Nous ne sommes qu’au début des règlements de comptes à droite qui risquent de connaître leur paroxysme à l’occasion des ralliements éventuels de députés LR à Emmanuel Macron. L’intérêt final de cette recomposition consistera en un appel d’air pour intégrer de nouveaux visages jeunes à l’Assemblée même s’ils consacreront leur premier mandat à se former. On se souvient que François Mitterrand avait investi en 1981 des débutants pour aller à l’assaut de forteresses de droite, en particulier François Hollande et Ségolène Royal. La réussite du pays et sa sortie de la crise économique dépendra de la capacité d’Emmanuel Macron à rassembler et à ouvrir sa majorité, non pas à des individualités, mais à des mouvements de dirigeants politiques expérimentés qui cohabiteront avec de jeunes nouveaux venus.
Fillonistes

            Encore faudrait-il que la rancune tenace liée à l’échec de la droite ne conduise pas à un vote de mauvaise humeur au profit de Marine Le Pen qui pourrait faire la surprise au second tour.  La politique de la terre brûlée sera stérile. On voit déjà s’installer une campagne de dénigrement de caniveau. Les programmes politiques ne sont pas abordés mais le tir à bout portant sur des questions secondaires est de mise. On relève le «scandale du restaurant la Rotonde» alors que Macron fêtait en petit comité sa victoire au premier tour qui avait un temps été compromise.


            Les Fillonnistes, mauvais perdants, digèrent mal une défaite incroyable et ignorent le danger lepéniste pour lancer des attaques contre Macron. Ils persistent à le qualifier de gauche, l’accusent d’avoir profité des manigances de François Hollande. Ceux de gauche n’hésitent pas à le considérer comme un de traître. Et pourtant le scrutin est clos et au lieu de choisir le vote qui barre la route à Marine Le Pen, on glose sur le cataclysme des prochaines élections législatives qui mettront en scène de nouveaux venus inexpérimentés comme s’il ne fallait pas un jour commencer.
            Au lieu de regrouper les bonnes volontés pour défendre ensemble la France, on passe son temps à fustiger les ralliements, on crée de nouvelles divisions comme s’il en manquait dans le pays. On peut avoir rêvé de Fillon mais le vote démocratique a tranché et l’on a évité le pire. Il faut savoir surmonter la défaite qui est irréversible. Nombreux mettent en doute la jeunesse du Président mais ils ne relèvent pas qu’il a cependant réussi légalement contre des dirigeants installés et contre des partis établis, que sans structure politique il est parvenu à fédérer autour de lui des jeunes et des dirigeants historiques, qu’il a suscité un nouvel espoir auprès des jeunes. 
          On n’a pas le droit de lui faire un procès d’intention et de prédire ou espérer son échec par goût du désordre et de la vengeance politique. On ne peut pas vouloir la défaite des extrémismes en France et hésiter à voter pour Macron. Il faut se regouper contre le danger islamiste. Pourtant rien n’est fait et le danger guette encore.


2 commentaires:

Véronique Allouche a dit…

Le reproche qui m'est fait par l'auteur d'être systématiquement "contre" se vérifiera une fois de plus.....
"Le scandale du restaurant La Rotonde" en est un lorsqu'on accède au second tour avec le FN pour compétiteur.
Au soir du premier tour l'heure était suffisamment grave pour que le candidat d' En Marche reporte sa soirée festive pour se consacrer à un discours solennel avec l'empathie qu'il se devait d'afficher envers ses concitoyens face à la menace de l'extrême-droite. Il se le devait d'autant que sur un total de près de 37 millions de votants la marge qui le sépare de Marine Le Pen n'est que de 870000 voix. Ce qui revient à dire que le troisième tour ( les législatives), verra croître les députés FN au nombre de deux actuellement.
Mais il a préféré "se faire plaisir", répondît-il aux journalistes qui l'interrogeaient. Même le Canard a relevé cette bévue de débutant en même temps qu'il dénonce " un discours pâlichon ".
N'est pas Chirac qui veut.
Certains parleront d' anecdote mais cela n'augure à mes yeux rien de bien sérieux sur sa capacité à gouverner un pays déjà bien malade.
Bien cordialement

V. Jabeau a dit…

L'offre politique française, dans un pays où 60% de la population appartient aux classes moyennes et aisées, surfe sur une colère où se mêlent chômage, déclassement, perte de repères identitaires. Cette classe politique est faible, avide de pouvoir pour des raisons terribles - tentation totaliitaire et paranoïaque chez Mme Le Pen et M. Mélenchon, argent chez M. Fillon, etc. - et n'a que peu de sens de l'intérêt collectif. Les extrêmes hypnotisent les électeurs en promettant le grand soir, la fin de l'insécurité etc etc. Et pourtant notre pays n'est pas en guerre, pas en danger vital, les systèmes sociaux sont généreux et fonctionnent bien. Le FN et l'immigration mal assimilée, ainsi que des politiques économiques laxistes et meme lâches de Mitterrand à Hollande via Chirac et Sarkozy, nous ont conduits dans une impasse. En 2022 si l'évolution économique mondiale ne nous est pas favorable, nous aurons le choix décrit par Michel Houellebecq dans "Soumission ". Les Juifs Français, attachés à la liberté, l'égalité , la fraternité et à Israël, vont se retrouver dans une position difficile et commencent déjà à y réfléchir.