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samedi 13 janvier 2018

Bases russes en Syrie visées par des drones armés



bases russes en Syrie visées par des drones armés
par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          La base aérienne russe de Hmeimim et le centre logistique de la marine russe de Tartous ont été la cible de plusieurs attaques par des drones, des roquettes et des obus de mortier entre le 5 et 6 janvier 2018.  L’attaque a été menée par 13 drones équipés d’engins explosifs improvisés (IED), dix contre la base aérienne et trois contre la base navale. Selon les Russes, aucun drone n’a atteint sa cible. Sept drones ont été abattus par le système de défense aérienne russe et six ont été débarqués par les systèmes de guerre électronique de l'armée russe (trois d'entre eux ont explosé à l'atterrissage).



            Selon le ministère de la défense russe, les drones ont été lancés à une distance d’environ 50 à 100 kms et étaient équipés de matériel de navigation innovants. C’est la première fois que les Russes ont à faire face à une utilisation massive de ce type d’avions sans pilote. Ils sont convaincus que la technologie d’exploitation des drones est de haut niveau. Avant cette attaque, la base de Hmeimim avait été attaquée le 31 décembre 2017 par plusieurs obus de mortier. Le ministère russe de la défense avait précisé «qu’un groupe mobile de saboteurs armés» avait mené l’attaque en tuant deux soldats mais qu’aucun avion n’aurait subi des dégâts. 
            Le quotidien Kommersant a confirmé les faits en les qualifiant «d’incidents les plus graves depuis le début de l'implication de la Russie en Syrie».  La question plus grave est que les systèmes de défense anti aérienne avaient mal fonctionné. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a rapporté que le 27 décembre 2017, des «militants» avaient tiré plusieurs roquettes sur l'aéroport international de Lattaquié et sur la base de l'armée de l'air russe à Hmeimim. Deux d'entre eux ont été interceptés par le système de défense aérienne russe. Une troisième roquette tirée a dévié de sa trajectoire et a atterri à la périphérie de la ville de Jableh.
            Ces incidents ont conduit les Russes à prendre des mesures sérieuses. La zone autour des bases a été nettoyée par les troupes russes et non pas par l’armée syrienne. Puisque leur occupation est prévue pour une longue durée, ils songent à présent à construire des abris pour leurs avions.
Un des drones de l'attaque

            Les drones armés étaient certes de conception artisanale mais étaient équipés de dispositifs de navigation et d'assaut de haute technologie. Ils ont été construits sur une base en bois avec des ailes de contre-plaqué, le tout entouré de ruban adhésif et de ficelle de plastique. Les moteurs étaient de conception artisanale et manuelle. En revanche, leurs dispositifs de navigation leur permettaient d'être lancés à distance et de mener des attaques de précision grâce au guidage GPS. 
          Les Russes sont convaincus que la technologie avancée a été fournie par un «pays tiers doté de capacités technologiques de haut niveau». Ils ne sont pas loin de sous-entendre que les États-Unis sont impliqués. Les Américains se sont défendus, par la voix du porte-parole du Pentagone Adrian Rankine-Galloway, en précisant qu’ils avaient déjà relevé une technologie similaire chez Daesh et que la technologie utilisée était disponible sur le marché libre.

Porte-parole du Pentagone :Adrian Rankine-Galloway

            Aucune organisation n’a revendiqué la responsabilité de ces attaques mais les Russes accusent l'organisation rebelle islamique Ahrar al-Sham d’être derrière les attaques. D’ailleurs elle avait déjà tenté, avec peu de succès, de lancer des attaques de drones contre les unités syriennes du génie dans la ville de Homs. Les militaires russes ont décodé les données des drones et fourni une «preuve partielle» de l'implication d'Ahrar al-Sham dans l’attaque des 5 et 6 janvier 2018 et même dans l'attaque contre la base de Hmeimim le 31 décembre 2017.
            Le ministère russe de la défense a complété ses précisions. Les drones ont été lancés depuis le village d'Al-Mawzarah, à 32 km au sud-ouest d'Idlib. Cette zone de lancement est contrôlée par «l'opposition modérée» (Ahrar al-Sham). Ce groupe, créé au début de la guerre civile en Syrie après unification de plusieurs organisations rebelles islamiques, est soutenu par la Turquie.  

            La Russie a adressé une mise en garde à l’armée turque sur le fait que le cessez-le-feu n’était pas respecté par les forces sous son contrôle. La Turquie a en outre été invitée à intensifier la construction de postes d'observation dans la zone d'Idlib pour déjouer des attaques de drones. Les attaques contre les bases de Hmeimim et de Tartous ont été menées par les organisations rebelles opérant dans la région d'Idlib. Elles ont été décidées pour alléger la pression des forces syriennes qui, avec l'appui aérien russe, tentent de prendre le contrôle de l'enclave d'Idlib. Il est probable qu'Ahrar al-Sham soit le responsable du lancement des drones.
            Ces attaques démontrent que, malgré les déclarations des dirigeants russes annonçant leur victoire en Syrie, justifiant ainsi le retrait d'une petite partie de leurs forces, la guerre civile est encore loin d'être terminée. Elles démontrent surtout la vulnérabilité des bases russes. Paradoxalement, les Russes tiennent pour responsables les Etats-Unis : «En ayant transféré aux terroristes des technologies dernier cri, les Etats-Unis ont laissé le mauvais génie sortir de sa bouteille. Les technologies, ce n'est pas de l'argent ; une fois prêtées, elles ne sont jamais rendues à celui qui les avait données».
            La Russie est persuadée que les rebelles ont reçu une aide technique extérieure et elle accuse ouvertement les Américains : «les drones étaient guidés par des instructeurs ayant suivi une formation spéciale. Les terroristes eux-mêmes ne seraient pas capables de mener cette opération. Les services américains étaient impliqués dans l'opération».
            Il est probable que la Russie va durcir son comportement vis-à-vis des rebelles en intensifiant les frappes aériennes car, pour les Russes, les drones représentent «une grave menace pour la sécurité dans le monde».


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